
La loi 99, selon laquelle un référendum sur l’indépendance du Québec est soumis à la règle du 50 % des votes plus un, passe le test de la Constitution canadienne, tranche la Cour supérieure dans un jugement attendu.
L’ex-chef du Parti égalité/Equality Party Keith Henderson, qui s’était lancé il y a 17 ans dans une croisade pour faire déclarer ultra vires et nulles six articles de la Loi sur l’exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l’État du Québec (loi 99) sur 14 par les tribunaux, perd une importante bataille.
« Rien dans les effets directs ou secondaires, juridiques ou pratiques de la loi 99 ne permet de conclure que les articles contestés [par M. Henderson] violent ou permettraient de violer la Constitution ou la Charte si le sombre scénario allégué [par celui-ci, soit une victoire des indépendantistes à un référendum] devait se produire », écrit la juge Claude Dallaire dans une décision de 100 pages dévoilée jeudi.
La loi 99, qui a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2000 en guise de réplique à la loi sur la clarté, ne libère pas pour autant le Québec des obligations fixées par la Cour suprême du Canada. À cet égard, la juge Claude Dallaire cite le passage de l’Avis consultatif de 1998 du plus haut tribunal du pays qui indique qu’« il reviendra aux acteurs politiques de déterminer en quoi consiste “une majorité claire en réponse à une question claire”, suivant les circonstances dans lesquelles un futur référendum pourrait être tenu ». « De même, si un appui majoritaire était exprimé en faveur de la sécession du Québec, il incomberait aux acteurs politiques de déterminer le contenu des négociations et le processus à suivre », souligne-t-elle à gros traits.
La magistrate refuse d’« aller plus loin sur les spéculations ayant comme prémisse l’échec de négociations » effectuées dans la foulée d’un référendum remporté par le camp du OUI. « Étant donné que la Cour suprême considère ces questions comme faisant partie de la compétence réservée aux acteurs politiques, nous resterons donc loin de ces sujets délicats », indique-t-elle.
Il s’agit d’une décision « historique sur le droit à l’autodétermination du peuple québécois », a fait valoir le président général de la Société Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de Montréal, Maxime Laporte, qui s’est porté à la défense des dispositions contestées de la loi 99. « Dans l’histoire de ce pays, rares ont été nos victoires. Eh bien, aujourd’hui, nous, le peuple québécois, nous avons gagné. Nos droits inaliénables, nos fondements démocratiques, notre statut juridique, tels que formellement énoncés par la loi 99, ont été entièrement sauvegardés par la Cour supérieure, cela dans toute leur portée », a déclaré M. Laporte à la sortie du palais de justice de Montréal jeudi après-midi. Puis, il s’est interrogé à haute voix. « Est-ce vraiment là une victoire ? Plutôt, n’aurons-nous fait, au fond, que sauver les meubles, dans ce Canada qui, depuis toujours, multiplie les tentatives de nous neutraliser ? » a-t-il demandé. « C’est une victoire qui ressemble plutôt à un sauvetage, sachant que nous évoluons toujours comme simple province dans ce carcan canadien », a convenu M. Laporte.
À ses yeux, la loi 99 formalise, selon la SSJB, le statut du peuple québécois dans le droit en y codifiant notamment ses droits universels à l’autodétermination. D’ailleurs, la règle prévoyant que « l’option gagnante est celle qui obtient la majorité des votes déclarés valides, soit 50 % de ces votes plus un vote », apparaît noir sur blanc à l’article 4 de cette « Charte des droits politiques du peuple québécois ».
La Cour supérieure laisse intacte cet article controversé, d’autant plus que « le résultat d’un référendum n’est que consultatif, le véritable pouvoir décisionnel demeurant l’apanage des parlementaires ».
Jeudi, M. Henderson n’a pas voulu réagir au verdict, indiquant qu’il prendra quelques jours avant de le commenter.
La juge Claude Dallaire dit aux personnes qui « s’offusquent de l’utilisation » de la formule « peuple du Québec » qui truffe la loi 99 d’« en revenir ». « Se pourrait-il qu’en édictant la loi 99, [le gouvernement de Lucien Bouchard] ait tenté de mettre la table pour se séparer unilatéralement du Canada […] ? La réponse est non. Il faut donc remettre les choses en perspective et sortir de la thèse des complots ourdis mis en oeuvre par les séparatistes, afin de se ramener un instant à la réalité », écrit-elle.
La magistrate refuse toutefois de « déclarer le droit » sur la notion de « peuple québécois » puisque « le litige […] ne justifi[ait] pas que nous nous prononcions sur cette délicate question ».
M. Laporte ne s’en offusque pas. « Pour des raisons de réserve judiciaire, la juge a déterminé qu’elle n’avait pas à aller jusque-là », a-t-il acquiescé.
La loi 99 a été adoptée par l’Assemblée nationale le 7 décembre 2000 grâce à l’appui des députés du Parti québécois, ainsi que du chef de l’Action démocratique du Québec, Mario Dumont. Elle constituait, cinq ans après le référendum de 1995, la réplique du Québec à la loi sur la clarté mise au point par Stéphane Dion. La Chambre des communes s’octroyait le droit de définir la « majorité claire » à la « question claire » requises par la Cour suprême pour conférer au projet de sécession du Québec une légitimité démocratique à l’abri de toute contestation de la part du reste du Canada, ce qui « a fait bondir les parlementaires québécois », note la juge Claude Dallaire dans sa décision. « [L]e dossier relatif à l’avenir du Québec dans la fédération canadienne avait [alors] atteint un point culminant ».
Gouvernement Couillard : « satisfait »
Le gouvernement québécois se dit « satisfait » de la décision de la Cour supérieure dans la mesure où « tous [s]es arguments » ont été retenus.
Il s’agit d’une « victoire pour le droit des Québécois à disposer d’eux-mêmes », a soutenu le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée. Les « arguments trudeauistes » n’ont pas convaincu le tribunal, a-t-il fait valoir sur Twitter, avant de remercier Maxime Laporte — candidat malheureux à l’investiture du PQ dans Pointe-aux-Trembles — pour le « combat » qu’il a mené.
M. Laporte croit en la pertinence du jugement, même si un troisième référendum sur la souveraineté du Québec ne se profile pas à l’horizon. « La loi 99, c’est bien plus qu’une simple affaire de référendum ou de séparatistes contre des fédéralistes », a-t-il insisté jeudi. « Ce que dit la loi 99, c’est qu’on est un peuple et qu’à ce titre on est titulaire des droits fondamentaux. De ce droit découle aussi le droit de s’épanouir économiquement, politiquement et culturellement. »
Le Procureur général du Canada — qui s’était associé à la croisade de Keith Henderson en 2013 pour « atténuer » la portée de la loi 99 — n’avait pas commenté la décision au moment d’écrire ces lignes.
Le requérant Keith Henderson dispose de 30 jours pour interjeter appel. « Les ressources judiciaires étant limitées, il nous faut passer à autre chose maintenant que le débat est tranché », soutient la juge Dallaire.
L’histoire de la loi 99
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