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Un gouvernement en sursis au Nouveau-Brunswick

Après la Colombie-Britannique, le Nouveau-Brunswick. Le premier ministre libéral sortant, Brian Gallant, tentera, comme l’avait essayé sans succès Christy Clark l’an dernier, de gouverner sa province même s’il n’a pas obtenu de majorité de sièges à l’Assemblée législative à l’élection de lundi soir et que son principal adversaire semble capable de rallier plus d’appuis que lui. Mais tous les observateurs mettent en garde contre la tentation d’y voir une tendance lourde qui restructure la politique canadienne. La montée des tiers partis s’explique avant tout par des dynamiques locales.

Lundi soir, le Parti libéral de Brian Gallant a récolté 38 % des voix, mais seulement 21 sièges tandis que les progressistes-conservateurs de Blaine Higgs ont obtenu 32 % des voix, mais récolté un siège de plus. L’Alliance des gens a obtenu 13 % et le Parti vert, 12 %, pour trois sièges chacun. La convention constitutionnelle veut que ce soit M. Gallant qui demeure au gouvernement tant qu’il ne perd pas la confiance du Parlement.

« Les Néo-Brunswickois ont indiqué clairement qu’aucun de nos programmes électoraux respectifs ne correspond exactement à ce qu’ils veulent, a déclaré M. Gallant mardi. Ils ont élu des représentants pour qu’ils travaillent ensemble sur leurs priorités et nous devons entendre ce message. »

Il s’engage à rappeler l’Assemblée législative d’ici la fin de l’année et à présenter un discours du Trône, qui devra être avalisé par un vote de confiance. Si M. Gallant perd ce vote, M. Higgs sera très probablement invité à essayer de gouverner, lui qui, avec l’appui d’un seul des deux partis tiers, atteindrait la marque majoritaire des 25 sièges. M. Gallant est plafonné à 24 sièges, puisqu’il a indiqué en campagne qu’il ne pourrait pas travailler avec l’Alliance, un parti anti-bilinguisme.

« La nouvelle de l’élection de lundi, c’est la percée des tiers partis », affirme sans détour Donald Wright, politicologue à l’Université du Nouveau-Brunswick. « Le Nouveau-Brunswick a une longue histoire de bipartisme. L’Assemblée législative est une porte tournante où alternent les libéraux et les progressistes-conservateurs. Lundi soir, pour la première fois en près d’un siècle, on a vu le duopole éclater. » L’Alliance, le Parti vert et le NPD ont ensemble récolté 30 % des voix, contre 22 % en 2014 et 16 % en 2010. « Leur vote s’est concentré de manière plus efficace », explique-t-il. Cette montée s’explique par des raisons très locales, nuancent toutefois trois autres politicologues interrogés par Le Devoir.

Des seize circonscriptions où les francophones sont majoritaires, une seule est allée au Parti progressiste-conservateur. Si les conservateurs forment le prochain gouvernement avec l’appui de l’Alliance, il n’y aura qu’un élu francophone dans tout le gouvernement.

 

L’Alliance des gens, dirigée par l’ex-pasteur Kris Austin, milite pour l’abolition du Commissaire aux langues officielles ainsi que la fusion des deux systèmes linguistiques de gestion du réseau de la santé. Il est en quelque sorte l’héritier de la Confederation of Regions (COR), qui avait fait élire huit députés en 1991 alors que les tiraillements constitutionnels (et linguistiques) battaient leur plein.

Selon Roger Ouellette, des événements ont irrité la majorité anglophone, comme le fait que de petites localités unilingues anglophones se sont retrouvées sans ambulance parce qu’incapables de recruter le personnel bilingue requis, ou encore que des parents se soient opposés à ce qu’on transporte dans les mêmes autobus scolaires des élèves francophones et anglophones. « Tout cela a été bien monté en épingle par le chef Austin. »

Le Nouveau-Brunswick est à 32 % francophone. M. Higgs — lui-même unilingue anglophone — s’est néanmoins montré ouvert à une collaboration avec M. Austin. « Des seize circonscriptions où les francophones sont majoritaires, une seule est allée au Parti progressiste-conservateur », explique Gabriel Arseneault, de l’Université de Moncton. « Si les conservateurs forment le prochain gouvernement avec l’appui de l’Alliance, il n’y aura qu’un élu francophone dans tout le gouvernement. »

Cette personne, Robert Gauvin, a d’ailleurs averti son chef mardi qu’il ne serait pas prêt à tous les compromis. « Il a dit : “Il y a des gens qui mettront de l’eau dans leur vin, mais ce ne sera pas Gauvin” », relate M. Ouellette. M. Higgs devra donc manoeuvrer prudemment pour ne pas perdre un appui en tentant d’en gagner trois.

C’est aussi par la langue que Mario Lévesque, politicologue à la Mount Allison University, explique la montée du Parti vert. Selon lui, les francophones sont aussi liés au Parti libéral que le sont les anglophones du Québec. « Quand ils ne sont pas satisfaits, ils se demandent où aller et ils regardent vers le Parti vert. »

Et pourquoi pas le NPD ? De l’avis de toutes les personnes interrogées, le NPD s’est complètement discrédité au cours des dernières années. Le précédent chef, Dominic Cardy, avait tenté de recentrer le parti, allant jusqu’à appuyer le pipeline Énergie Est. Son parti l’a finalement mis à la porte et M. Cardy s’est fait élire lundi soir… sous la bannière conservatrice !

Le Parti vert a aussi misé sur des personnalités locales. Outre le très apprécié chef David Coon, député depuis 2014, les verts ont fait élire Kevin Arseneau. Cet agriculteur biologique très connu voulait plutôt porter les couleurs du Parti libéral, mais le parti l’a rejeté. Il a donc jeté son dévolu sur le Parti vert. Quant à la troisième élue, Megan Mitton, elle doit en partie son élection aux étudiants. « La Loi électorale permet aux étudiants de voter sur le campus pour le candidat soit de leur circonscription d’origine, soit de la circonscription du campus, explique M. Ouellette. C’est comme ça que M. Coon a gagné la dernière fois, et Mme Mitton est dans la circonscription de [l’Université] Mount Allison. »

Le Parlement ne sera pas convoqué immédiatement, ne serait-ce que pour donner le temps de terminer de seconds dépouillements qui pourraient tout changer. Le Parti progressiste-conservateur a remporté trois sièges avec des majorités de moins de cent voix, dont deux au détriment du Parti libéral. Inversement, le Parti libéral a remporté un siège avec dix voix de majorité au détriment d’un conservateur. Quant à Mme Mitton, elle a coiffé son adversaire libéral par seulement onze voix.

De l’avis des quatre professeurs consultés, il est peu probable que M. Gallant remporte son vote de confiance. Tout pourrait reposer sur l’élection du président de l’Assemblée, qui retirera une voix au parti duquel il proviendra. La situation sera similaire à celle ayant englouti la libérale Christy Clark en Colombie-Britannique en juin 2017. Avec ses 44 sièges, elle dépassait à peine ses adversaires néodémocrates (41) et verts (2). Ces derniers ont formé une coalition et fait voter une motion de censure une semaine après le retour du Parlement.

Des alliances possibles au Québec?

 

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