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CHSLD: quasi de la «maltraitance», selon le Protecteur du citoyen | TOMMY CHOUINARD | Santé - LaPresse.ca

(Québec) En raison d'une pénurie de personnel, des personnes hébergées dans des CHSLD ne reçoivent pas les soins auxquels elles ont droit, une situation si grave qu'elle « s'apparente à de maltraitance » au sens de la loi, dénonce le Protecteur du citoyen.

Selon lui, les autorités font également preuve de laxisme dans la surveillance des résidences privées pour aînés. Le nombre de personnes recevant des soins à domicile est loin d'atteindre les promesses de Québec, ajoute l'ombudsman. Il réclame un « redressement immédiat » dans son rapport annuel déposé à l'Assemblée nationale jeudi.

Comme le document couvre une période antérieure à l'arrivée du gouvernement Legault, il s'agit du bulletin de l'administration précédente. Néanmoins, les caquistes héritent de toute une commande pour redresser la barre, principalement dans le secteur de la santé. C'est sa troisième priorité, après l'éducation et l'économie, selon le discours d'ouverture de la session parlementaire prononcé par le premier ministre François Legault mercredi.

Le Protecteur du citoyen a constaté au fil de ses enquêtes que le personnel des CHSLD « peinait à suffire à la tâche ». « Cette situation découle entre autres d'absentéisme, de roulement de personnel ainsi qu'un ratio personnel-résidents qui ne tient pas compte, dans certains cas, des besoins plus lourds d'une partie de la clientèle hébergée », affirme-t-il. Le recrutement de préposés aux bénéficiaires et d'infirmières est difficile.

« Des équipes de soins doivent fréquemment composer avec des quarts de travail à effectifs incomplets. » Conséquence : « Des services comme les bains hebdomadaires, les soins d'hygiène buccale, le rasage et la coiffure sont reportés ».

Ces situations sont devenues si fréquentes que « des CHSLD ont élaboré des directives écrites guidant les décisions du personnel quant à la réorganisation des tâches et au report ou à l'annulation de certains soins ou services ». C'est contraire à la Loi sur les services de santé et aux orientations ministérielles présentant les CHSLD comme « un milieu de vie ». Ce sont les besoins des personnes hébergées qui doivent guider les décisions en matière d'organisation des services, rappelle le Protecteur du citoyen.

L'ombudsman est catégorique : « Dans ce contexte de pénurie de personnel, les personnes qui ne reçoivent pas les soins et les services dont elles ont besoin subissent un préjudice. [...] Un tel état de situation s'apparente à de la maltraitance selon la définition qu'en fait la Loi visant à lutter contre la maltraitance envers les aînés et toute autre personne majeure en situation de vulnérabilité ».

Adoptée sous le gouvernement Couillard, cette loi entend par maltraitance « un geste singulier ou répétitif ou un défaut d'action appropriée qui se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance et qui cause, intentionnellement ou non, du tort ou de la détresse à une personne ».

Voici d'autres constats faits par le Protecteur du citoyen dans un CHSLD à la suite d'un signalement :

- Des personnes n'étaient pas levées du lit pendant 36 heures consécutives ; d'autres ne l'étaient que tardivement en matinée et étaient remises au lit pour la nuit tôt en après-midi ;

- Les temps de réponse aux cloches d'appel et aux alarmes de mouvement étaient longs ;

- Faute de surveillance adéquate, les risques d'agression entre les personnes hébergées étaient accrus ;

- Des activités de loisir étaient annulées ou des personnes n'étaient pas en mesure de s'y présenter parce que le personnel n'avait pas le temps de les aider à s'habiller et à se préparer ;

- L'organisation des soins et des services n'était pas basée sur les besoins et le rythme de la clientèle.

Résidences privées

Les 1800 résidences privées pour aînés du Québec doivent être certifiées par les centres intégrés de services sociaux. Or ces derniers font preuve de « laxisme » dans la surveillance des établissements.

« Lors de ses enquêtes, le Protecteur du citoyen a constaté des lacunes importantes dans certaines résidences que ce soit en matière de formation du personnel, de salubrité ou de sécurité des lieux », peut-on lire dans le rapport. Or « ces situations duraient dans certains cas depuis plusieurs mois, voire des années, à la connaissance des CISSS et des CIUSSS responsables. Ces derniers n'agissaient donc pas systématiquement avec la vigilance attendue pour faire respecter les normes ».

Un exemple : une éclosion de gale a touché le quart des 65 personnes d'une résidence. Le propriétaire a décidé de « dissimuler les faits », de ne donner aucune information au personnel et aux résidents. Mis au courant de la situation, le CISSS constate que la désinfection des lieux n'est pas adéquate, mais le propriétaire dit contrôler sa situation. La résidence a déjà fait l'objet de contravention de plusieurs autorités publiques. « Malgré cela, le CISSS ne prend aucune mesure concrète afin d'assurer que l'infestation soit endiguée », déplore le Protecteur du citoyen. La résidence a choisi de fermer ses portes après son intervention.

L'ombudsman constate également des problèmes dans le contrôle de la qualité chez les ressources d'hébergement privées liées par contrat avec les CISSS et CIUSSS pour accueillir des personnes âgées souvent de manière transitoire. C'est un problème qu'il avait déjà dénoncé il y a six ans, mais il y a « toujours des lacunes ».

Voici des constats faits lors d'enquête dans une résidence :

- Un personnel sans formation, peu motivé, et en nombre insuffisant ;

- Une offre alimentaire inadéquate ;

- Des locaux malpropres ;

- L'absence de recours à une firme spécialisée pour gérer une infestation de punaises de lit.

La résidence avait fait de « multiples demandes et recommandations » dans le passé, notamment de l'Ordre des infirmières, « sans que des améliorations soient apportées ».

Le Protecteur constate à nouveau des « mesures restrictives dans l'offre de services » de soutien à domicile. Or on assiste à l'« intensification » de ces mesures, et la situation « s'est dégradée à certains égards » depuis 2012. On introduit de nouveaux critères d'exclusion, on fixe des plafonds d'heures, on fait payer des personnes à faible revenu pour des services de vie domestique contrairement aux règles prévoyant la gratuité, par exemple.

Québec s'est donné pour objectif d'augmenter de 15 % le nombre de personnes desservies en soutien à domicile de longue durée d'ici 2020. Or l'augmentation est de 1,7 % en date de 2017, alors qu'on aurait dû s'attendre à 6 %. « Cela correspond à 5557 personnes qui n'ont pas reçu de services », souligne le rapport. Il faut un « redressement immédiat », recommande le Protecteur du citoyen. Quelque 132 992 personnes ont reçu des services de soutien à domicile en 2016-2017.

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