La semaine dernière, nous avons eu la « surprise » d’apprendre l’éventualité d’un retour pour Jean Charest sur la scène politique fédérale, possiblement à la tête, cette fois, du Parti conservateur du Canada. Le billet qui suit ne sera toutefois pas une longue tirade faite de moult rappels des évènements passés. J’ai seulement envie de partager avec vous les raisons qui font que je ne crains pas son retour.
À l’échelle de mon existence, Jean Charest a toujours fait partie du paysage politique. Pour moi, qui étais tout juste une préadolescente au début de son premier mandat, et qui n’avais conséquemment aucune culture politique, il en incarnait néanmoins l’emblème.
Toutefois, mon intérêt pour la chose, qui a réellement pris tout son essor sous le règne de son très digne successeur, m’a rapidement fait réaliser l’ampleur des dégâts sur la confiance, l’estime et sur la foi fondamentale que le Québec se doit impérativement d’avoir en lui-même, qui ont été perpétrés durant tout ce début du nouveau millénaire. Je pouvais ainsi mesurer l’étendue de son œuvre, notamment sur ma génération, qui avait grandi sous son influence, par l’indice d'indifférence, de cynisme et de défaitisme chronique, qui nous venaient le plus spontanément du monde face à tout ce qui était relatif à la politique.
Comme si notre essentiel sentiment de nous sentir concernés, intéressés et stimulés par elle, avait été neutralisé depuis le biberon, n’assurant ainsi qu’une relève bien mal assurée chez le Québécois conscient, éduqué et alerte. Un trou noir dans la force populaire a alors eu tout le loisir de se creuser, à force d’être bercés par la colère et le découragement de nos parents, face à ce que le Québec était en train de se laisser devenir.
Tous ces discours fatalistes, évidemment non sans fondements, ont fait que, pour nous, le monde et l’existence s'annonçaient résolument ailleurs que dans cette institution, qui nous apparaissait alors profondément sclérosée et faite de magouilles, de scandales et de cette impossibilité morbide de se reconnaître et de faire confiance à qui que ce soit. Par instinct de survie, il est vrai que nous lui avons d'abord tourné le dos, puisque le sous-texte ambiant était que, de toute façon, nous n'y pouvions strictement rien. Il va donc sans dire que les effets d’un tel climat, surtout quand il dure si longtemps, ont nécessairement de graves effets sur le cœur, l’esprit et l’ardeur d’un peuple.
Mais, comment se fait-il qu’en apprenant la nouvelle de cet éventuel retour, je n’aie pas frissonné d’effroi, devant la perspective d'un tel recommencement? Pourquoi ma sérénité demeure-t-elle inébranlable? Est-ce parce que j’aurais la belle naïveté de croire impossible que M. Charest puisse se retrouver à la tête du PCC ou même du Canada? Bien sûr que non, car tout est possible en politique et que l'homme, qu'on l'aime ou pas, demeure un fin politicien.
Pour le dire simplement, si je n’ai pas peur, c’est parce que nous ne sommes plus en 2003 et que nous ne relevons plus tout juste d’un cuisant échec référendaire, qui allait nous contraindre à remiser notre fierté nationale à la morgue et à nous laisser dire et croire n’importe quoi sur nous pendant près d'un quart de siècle. Surtout, chers amis, parce que, dans l’intervalle, je trouve que nous avons changé. Et pas mal, à part de ça. Je trouve que nous nous intéressons et prêtons attention davantage à ce qui se passe et se qui se dit. Que nous réfléchissions beaucoup plus. De fait, s'il était aisé de souffler l'hiver sur des braises qu'on croyait éteintes, je crois qu'il en va tout autrement, aujourd'hui.
Bien sûr, il s’en trouvera toujours pour avoir tout oublié et pour reprendre gaiement ce même chemin, qui conduit inéluctablement à ce même mur, que notre mémoire est censée nous éviter de percuter d’une fois à l’autre. Pourtant, je nous regarde en ce moment et je vois un Québec qui a su rallumer la bougie de sa conscience historique, qui inspire maintenant à devenir un vrai bon feu. Un Québec qui continue progressivement de relever la tête, pour mieux se réapproprier toute sa force et sa dignité tranquilles. Et devant cet heureux constat, si je suis honnête avec moi-même, je ne peux m’empêcher d’éprouver un sentiment qui est à mille lieues du cynisme, du défaitisme et de l’indifférence que j’ai jadis reçus en héritage, à l'instar de beaucoup d'autres.
Tout ce que j’éprouve, à vrai dire, c’est une grande et une belle confiance en nous. Pour le reste, qu’on s’en insurge ou non, monsieur Charest a tout à fait le droit de revenir en politique. Seulement, je crois qu’il aura, cette fois, à apprendre à conjuguer avec un Québec en pleine mutation qu’il ne devra pas avoir la bêtise de déjà penser connaître.
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