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Legault renvoie Jolin-Barrette à sa table à dessin - Le Devoir

Après avoir fait l’unanimité contre lui, le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, bat en retraite. Il a déchiré vendredi après-midi sa réforme du Programme de l’expérience québécoise (PEQ), sous la pression non seulement de ses détracteurs ― issus de tous les horizons ― mais également de la garde rapprochée du premier ministre.

Le gouvernement « prend acte de la contestation » autour des nouvelles conditions d’admission au PEQ annoncées le mercredi 30 octobre et « retourne à la planche à dessin », a expliqué une source au cabinet du premier ministre. « On sent le besoin de refaire nos devoirs. »

Simon Jolin-Barrette, habitué des plateaux de télévision, s’est contenté d’un message sur sa page Facebook afin d’annoncer « la suspension temporaire des modifications au PEQ » vendredi soir. Les « pouces levés » se comptaient par centaines au bas de son message quelques heures plus tard, témoignant sans doute de la popularité de l’abandon de son règlement.

Le ministre n’a plus la crédibilité pour diriger ce ministère

Le gouvernement Legault s’est mis à dos les employeurs et les établissements d’enseignement en restreignant l’accès au PEQ aux diplômés de 218 domaines de formation, y compris la charpenterie menuiserie, les techniques de génie aérospatial et les soins infirmiers.

Les « interrogations » à l’égard de la « liste des programmes d’études admissibles » étaient trop nombreuses, indique-t-on. À la fin de la semaine, les doutes avaient aussi gagné l’équipe de M. Legault. L’inscription de programmes loufoques — ou à tout le moins périmés — comme le baccalauréat en sciences domestiques ou encore le diplôme d’études professionnelles en modelage, a ôté la crédibilité nécessaire, selon elle, au règlement.

Le bac en sciences domestiques était offert aux jeunes femmes, notamment par l’Université Laval et l’Université de Sherbrooke, a rapporté Radio-Canada vendredi. « Symbole de la résistance du monde universitaire aux idées féministes, les « sciences » domestiques entretiennent les femmes dans leurs rôles de ménagère, de mère et d’épouse d’abord », peut-on lire dans la revue d’histoire Cap-aux-Diamants, qui a été citée par Radio-Canada. Au bureau du premier ministre, cela a été « la goutte qui a fait déborder le vase ».

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M. Jolin-Barrette n’abandonne pas pour autant l’idée de resserrer l’accès au PEQ en fonction « des domaines de formation en demande et des emplois en déficit » au Québec. Il s’engage toutefois à « réviser » les listes « en collaboration avec les acteurs concernés ».

« Si on a l’occasion d’échanger là-dessus, ça va moins m’inquiéter », a affirmé la présidente du réseau de l’Université du Québec, Johanne Jean.

« J’espère que la leçon a été apprise sur toute la ligne : le prochain règlement ne doit pas restreindre l’accès au PEQ, bien au contraire », a fait valoir le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, vendredi soir. « Le Québec a besoin de ces étudiants et travailleurs bien intégrés et qui parlent français. Les personnes immigrantes ne sont pas des marchandises », a-t-il ajouté.

Les recteurs soulagés

Les acteurs du milieu de l’enseignement supérieur contactés par Le Devoir ont tous applaudi la volonté de Québec de « rallier » le milieu à sa réforme.

La Fédération des cégeps a déjà signalé son souhait de collaborer à la prochaine mouture de la liste des programmes d’études admissibles au PEQ.

« On verra pour la suite comment le gouvernement voudra travailler ce dossier-là, mais c’est sûr qu’on souhaite être présent à la table », a déclaré le président du Bureau de coopération interuniversitaire, Pierre Cossette. « On doit améliorer notre capacité d’attractivité des meilleurs talents au Québec », a soutenu celui qui est aussi le recteur de l’Université de Sherbrooke.

Le prochain règlement ne doit pas restreindre l’accès au PEQ, bien au contraire

 

« On respecte le fait que le gouvernement souhaite développer les secteurs où il y a une pénurie de main-d’oeuvre », a précisé quant à lui le recteur de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Denis Martel. Il presse néanmoins le gouvernement Legault de ramener le PEQ à sa forme initiale, un outil « important » pour le recrutement des universités à l’étranger. « On peut par exemple ajouter des incitatifs supplémentaires dans les programmes que le gouvernement veut prioriser », a-t-il suggéré.

Dans le Québec inc., la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) a applaudi vendredi à la suspension des modifications au PEQ. « On est heureux de savoir qu’on peut — souhaitons-le — retourner à la planche à dessin avec le gouvernement », a lancé son président-directeur général, Stéphane Forget.

Mais si le gouvernement fait marche arrière pour « améliorer sa réforme de l’immigration », il devra nécessairement accroître le nombre de personnes admises au Québec, a ajouté M. Forget. « Si on ne modifie pas les seuils, c’est certain qu’on se retrouve à chaque fois dans une situation où on est obligé de faire des choix comme le gouvernement a essayé de faire. Et le résultat n’a pas été positif. »

Tests

Le reste de la réforme en immigration demeure toutefois intact, y compris le test des valeurs québécoises auquel toute personne choisissant d’émigrer au Québec devra se soumettre, a indiqué le gouvernement Legault.

Cela dit, plusieurs doutent que M. Jolin-Barrette parvienne à atteindre ses cibles en immigration après s’être vu contraint d’évaluer les 18 000 demandes d’immigration non traitées à son arrivée aux commandes du ministère de l’Immigration à l’hiver 2019, et d’être forcé d’élargir l’accès au PEQ plus qu’il entendait le faire.

Une grande victoire pour des milliers de personnes

Le chef de l’opposition officielle à l’Assemblée nationale, Pierre Arcand, presse M. Legault de « retirer le dossier de l’Immigration » des mains de Simon Jolin-Barrette. « Une confiance doit être rétablie, l’image du Québec à l’international est ternie, le partenariat avec le milieu économique et le monde de l’éducation est à rebâtir », a-t-il déclaré vendredi soir. « Le ministre n’a plus la crédibilité pour diriger ce ministère. » M. Nadeau-Dubois est d’avis que M. Jolin-Barrette, qu’il gratifie du surnom de « ministre de l’Improvisation » en a « visiblement trop sur les épaules ».

Le chef parlementaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a salué le « recul » du premier ministre, du ministre Simon Jolin-Barrette et de la Coalition avenir Québec. Il s’agit d’« une grande victoire pour des milliers de personnes qui choisissent de contribuer au développement économique et social du Québec. C’est aussi une victoire pour nos cégeps et universités, surtout en région ! » s’est-il réjoui.

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