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«Il n'y a jamais eu de pressions inappropriées», insiste Justin Trudeau - Le Devoir

Justin Trudeau regrette peut-être l'« érosion de confiance » survenue entre son bureau et son ancienne ministre de la Justice pendant l’affaire SNC-Lavalin, mais il ne regrette pas les interventions qui ont été faites par lui ou son entourage en faveur du géant québécois. Elles étaient nécessaires pour préserver des emplois. Et il laisse entendre que Jody Wilson-Raybould n’était tout simplement pas disposée à les entendre.

« Il y avait effectivement une différence de perspectives », a reconnu jeudi matin M. Trudeau au cours d’une conférence de presse se voulant sa réplique à toute l’affaire qui secoue son gouvernement. « On considérait que Mme Wilson-Raybould était toujours ouverte à considérer de nouveaux facteurs dans cette décision. On apprend maintenant que non seulement elle n’était pas ouverte à ça, mais elle considérait qu’à chaque fois qu’on lui en parlait, c’était inapproprié. Pour moi et mon équipe, de continuer à parler d’un enjeu aussi important, ça fait partie de notre job. »

Les témoignages en comité parlementaire mercredi ont permis d’apprendre que Mme Wilson-Raybould s’est décidée en sept jours de ne pas intervenir pour demander à la Directrice des poursuites pénales (DPP) de négocier un accord de poursuite suspendue (APS). Dès le 19 septembre, deux semaines après que la DPP ait indiqué qu’elle ne négocierait pas d’APS, la ministre a demandé à sa sous-ministre de ne plus lui parler de SNC-Lavalin parce que son idée était faite. Était-il acceptable que sa ministre se ferme si rapidement dans le processus ? M. Trudeau a refusé de répondre, plaidant que des causes impliquant SNC-Lavalin étaient devant les tribunaux. « Ce serait inapproprié pour moi de partager mon opinion là-dessus. »

Sur le fond, M. Trudeau estime que son gouvernement avait raison de revenir à la charge dans ce dossier à cause des 9000 emplois directs à SNC-Lavalin et des « milliers » d’autres qui y sont rattachés chez les fournisseurs. A-t-il été malhonnête envers les Canadiens lorsqu’il a qualifié de « fausses » les allégations contenues dans l’article du Globe and Mail à l’origine de toute cette affaire, publié il y a un mois jour pour jour ? Pas du tout, a répondu le premier ministre. « Il n’y a jamais eu de pression inappropriée. »

Et comment explique-t-il avoir souligné à sa ministre, dans le cadre de sa conversation sur SNC-Lavalin le 17 septembre, qu’il était le député de Papineau ? N’est-ce pas le signe qu’il prenait en compte des considérations partisanes ? « Oui, j’ai mentionné que j’étais le député de Papineau […] J’ai à cœur les familles, les travailleurs et les étudiants qui habitent mon comté. Mais ce commentaire n’était pas de nature partisane. C’est notre travail en tant que parlementaires de défendre les intérêts des communautés qui nous élisent pour les représenter. »

Mercredi, le greffier du Conseil privé, Michael Wernick, a tenu un discours similaire. Mme Wilson-Raybould lui a reproché d’avoir fait mention de l’élection québécoise en cours de cette même conversation avec le premier ministre. M. Wernick a plaidé que la tradition veut que le gouvernement fédéral tente de ne rien faire qui puisse influencer une élection provinciale. Or, une dégringolade de SCN-Lavalin causée par un refus de négocier un APS aurait pu avoir une telle influence et c’était son rôle, estime-t-il, de le rappeler à la ministre.

Des regrets

Le premier ministre a promis d’apprendre de ces événements. « En tant que premier ministre, j’apprends de nouvelles choses presque tous les jours », a indiqué M. Trudeau. « Alors je peux vous dire, sans aucun doute, que j’ai appris et que je continue de tirer plusieurs leçons de ces derniers jours et dernières semaines. »

Le gouvernement sollicitera donc l’avis d’experts sur plusieurs enjeux, notamment le double rôle qu’occupent les ministres de la Justice canadiens en agissant aussi comme procureur général. Un avis sera aussi sollicité concernant « les politiques et les pratiques opérationnelles du conseil des ministres, de la fonction publique et du personnel politique sur des questions juridiques et de façon plus générale ».

Le premier ministre a en outre reconnu qu’il avait visiblement mal jaugé les sentiments de son ancienne ministre dans toute cette affaire. « L’un des éléments au cœur de mon leadership est d’encourager un environnement où les ministres, le caucus et les employés sont à l’aise de venir me voir. Et j’attends effectivement à ce qu’ils le fassent. Dans le cas de Mme Wilson-Raybould, elle ne l’a pas fait. Et j’aurais aimé qu’elle le fasse », a affirmé Justin Trudeau.

« Ce qui est devenu clair, c’est que la confiance s’est érodée entre mon bureau —plus précisément, mon ancien secrétaire principal [Gerald Butts]- et l’ancienne ministre de la Justice et procureure générale. Je n’étais pas au courant de cette érosion de confiance. En tant que premier ministre et chef du conseil des ministres, j’aurais dû l’être », a admis le premier ministre.

Le premier ministre a aussi laissé entendre que ses deux ministres démissionnaires, Mme Wilson-Raybould et Jane Philpott, pourraient rester au sein du caucus libéral. « Mme Wilson-Raybould et la Dr Philpott ont toutes deux indiqué qu’elles désiraient continuer d’être membre du caucus libéral, ce qui veut dire qu’elles croient encore fondamentalement dans notre agenda. »

Et à ceux qui trouvent qu’il ne fait peut-être pas preuve d’assez de poigne, M. Trudeau a ceci à dire. « Il y a plusieurs styles de leadership. Une des théories est que les leaders les plus efficaces sont ceux qui privilégient la confrontation et qui sont durs à l’excès. Ce n’est pas ce que je crois. Je crois que le leadership, c’est une affaire d’écoute, d’apprentissage et de compassion. »

Genèse d’un mois de scandale

L’ex-ministre de la Justice, Jody Wilson-Raybould, a accusé le premier ministre et son entourage la semaine dernière de lui avoir fait subir des pressions indues et répétées, dans le but de la convaincre d’intervenir pour accorder un accord de réparation à SNC-Lavalin.

L’ancien secrétaire principal de Justin Trudeau, Gerald Butts, a nié cette version des faits lorsqu’il a comparu à son tour devant le comité de la justice mercredi. M. Butts a martelé que le bureau du premier ministre n’a rien fait d’inapproprié et que ses collègues et lui-même avaient simplement tenté de convaincre Mme Wilson-Raybould de solliciter un avis juridique externe pour l’aider à prendre une décision finale. L’entourage du premier ministre s’inquiétait que toutes les options n’aient pas été envisagées pour éviter une condamnation criminelle à SNC-Lavalin, ce qui aurait pu menacer 9000 emplois au Canada.

SNC-Lavalin fait face à des accusations de fraude et de corruption. La directrice des poursuites pénales a annoncé, le 4 septembre dernier, qu’elle ne négocierait un accord de poursuite suspendue avec la firme d’ingénierie –ce qui lui aurait permis d’éviter une condamnation, en échange d’un aveu de culpabilité et d’une amende salée. L’ex-ministre Wilson-Raybould allègue que le bureau de Justin Trudeau a fait pression pour qu’elle use de son pouvoir de discrétion afin de renverser cette décision. Lorsqu’elle a refusé, l’ex-ministre estime que c’est ce qui lui a valu d’être mutée du ministère de la Justice à celui des Anciens combattants. Une accusation qu’a rejeté catégoriquement M. Butts mercredi.

Mme Wilson-Raybould a démissionné du cabinet il y a trois semaines. Son amie et collègue Jane Philpott lui a emboîté le pas, en quittant son poste de présidente du Conseil du trésor lundi.

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