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Peine d'Alexandre Bissonnette : le juge réécrit une disposition du Code criminel - ICI.Radio-Canada.ca

Dessin : Le juge François Huot explique son jugement.
Le juge François Huot explique son jugement. Photo: Radio-Canada

Le juge François Huot a prononcé une peine historique au procès d'Alexandre Bissonnette, l'auteur de l'attentat à la grande mosquée de Québec qui a fait six morts le 29 janvier 2017, en modifiant une disposition du Code criminel qu'il estime inconstitutionnelle.

Le juge a choisi d’infliger des peines d’emprisonnement concurrentes sans possibilité de libération avant 25 ans pour cinq des six chefs d’accusation, et d’ajouter, pour le sixième chef, une peine consécutive prévoyant une possibilité de libération conditionnelle après 15 ans, ce qui n’était pas prévu dans la loi.

Alexandre Bissonnette pourrait être libéré après 40 ans derrière les barreaux, donc en 2057, puisqu’il est incarcéré depuis 2017.

Pour arriver à ce résultat, le magistrat déclare inconstitutionnel l’article 745.51 du Code criminel, qui permet au juge de donner des peines consécutives en vertu des articles 12 et 7 de la Charte des droits et libertés, qui portent respectivement sur la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités, et le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.

L’avocat-criminaliste Rénald Beaudry, qui a assisté au prononcé de la sentence, indique que le juge fait ressortir dans son jugement qu’on ne peut pas donner de peine cruelle ou inusitée à un individu [article 12 de la Charte], mais l’article 745.51 aurait donné la possibilité d’infliger une peine qui dépasse l’espérance de vie du coupable, soit 79 ans pour un homme.

Il ajoute qu’une telle peine devient une peine « cruelle ou inusitée », puisque l’individu ne pourra jamais ressortir de prison ni même avoir espoir de ressortir de prison.

Que peut faire un juge quand il conclut à l'inconstitutionnalité d'une disposition? Il peut rejeter purement et simplement la disposition, ou alors, s’il y a un moyen de rendre un article compatible avec la loi ou l’esprit de la loi, il peut la modifier.

Le juge Huot a choisi la deuxième option, ce qui lui donne la latitude de prononcer une peine pour plusieurs meurtres.

Il a indiqué qu’il ne voulait pas renvoyer cet article au législateur et qu’il a décidé de le modifier afin qu’un juge puisse décider de la durée des périodes d’inadmissibilité à la libération conditionnelle qu’il veut infliger à un accusé dans le cas de peines consécutives, d’après Me Beaudry. Celles-ci pourraient varier d’un an (voire d'un jour) à 25 ans pour les peines consécutives.

Me Beaudry souligne que le juge a fait une recherche poussée pour en arriver à cette décision qui se démarque également par sa longueur, 246 pages. Les jurisprudences de 195 pays ont été prises en considération, de même que les rapports d’experts déposés tant par la Couronne que la défense, ainsi que les conversations et débats parlementaires liés à l’adoption de l’article 745.51 sur les peines consécutives.

« Du jamais vu » qui divise les juristes

Certains avocats se demandent où le juge prend son pouvoir quand il décide d’adapter la disposition du Code criminel sur les peines consécutives et d’appliquer un minimum de 15 ans avant une possibilité de libération conditionnelle, au lieu du minimum de 25 ans prévu.

Son pouvoir discrétionnaire, selon nous, ne lui permet pas de faire ça.

Me Richard Dubé, avocat-criminaliste

L’avocat-criminaliste Richard Dubé est surpris par la conclusion finale du juge. « C’est du jamais vu pour nous. Un juge peut invalider une loi en la déclarant inconstitutionnelle, il peut l’appliquer, il peut l’interpréter, mais il ne peut pas la réécrire », soutient Me Dubé.

Tant la Couronne que la défense se sont refusées à tout commentaire concernant la possibilité de porter le jugement en appel d’ici 30 jours.

Me Rénald Beaudry considère, à chaud, que la peine imposée à Alexandre Bissonnette n’est pas déraisonnable, alors que Me Dubé mentionne que même s’il ne le trouve pas personnellement mauvais, il contesterait le raisonnement du juge, selon lequel « les juges ne peuvent pas adapter la sentence à l’individu. Il [Alexandre Bissonnette] ne mérite pas 50 ans, il mérite plus que 25, donc moi je vais faire l’entre-deux ».

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