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Le gouvernement qui ne voulait pas d'amis... - ICI.Radio-Canada.ca

Classe de maternelle-jardin à l’École primaire Gabrielle-Roy, à Toronto.
Le gouvernement ira de l'avant avec une multiplication des classes de maternelle 4 ans, et ce dès l'automne. Photo: Radio-Canada / Frank Desoer
Michel C. Auger

Le gouvernement de la Coalition avenir Québec est si pressé de mettre en place les principaux éléments de son programme législatif qu'il ne prend même pas le temps de se faire des amis. Même quand il propose des réformes importantes et structurantes, qu'un gouvernement ne peut pas – même avec un mandat tout neuf – réaliser tout seul.

La promesse de réaliser en cinq ans un réseau complet de maternelles pour enfants de quatre ans en est le meilleur exemple.

C’est un gros changement, et pour le mieux. Dans bien des cas d’enfant en difficulté, les ressources d’une école et de son personnel spécialisé permettent de faire un dépistage rapide et d’apporter l’aide nécessaire. Mais comme tous les gros changements, cette réforme va nécessairement susciter des réticences.

Sauf qu’au lieu de chercher à forger un consensus plus large, le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge a plutôt choisi la stratégie du « on fonce dans le tas » et du « qui n’est pas avec nous est contre nous ».

François Legault et Jean-François Roberge en conférence de presse.Le premier ministre du Québec, François Legault, et son ministre de l'Éducation, Jean-François Roberge Photo : Radio-Canada

Avec le résultat qu’il a réussi à se mettre à dos, en quelques jours seulement, les commissions scolaires, les syndicats d’enseignants et le réseau des Centres de la petite enfance. Pourtant, il aura besoin des trois pour que les maternelles 4 ans soient un succès.

Les commissions scolaires devront mettre en place et gérer au jour le jour ces classes, de trouver locaux et enseignants. Elles n’ont pas tort d’y voir des obstacles majeurs. Une pénurie de locaux n’est pas mortelle, mais elle est bien réelle et peut handicaper sérieusement la mise en place des maternelles.

Avant de se saborder...

En plus, le gouvernement demande aux commissions scolaires de faire ce travail en sachant fort bien qu’il entend les inviter à se saborder à plus ou moins courte échéance. Ça crée vraiment une belle ambiance...

Les syndicats d’enseignants représentent une autre ressource rare : le personnel. Il y a pénurie d’enseignants dans les écoles du Québec et on n’en trouve pas de nouveaux dans les dépanneurs. Il faut les former, ce qui prend des années et des ressources. D’ici cinq ans, on n’aura guère qu’une ou peut-être deux nouvelles cohortes de finissants qui pourront occuper les nouveaux postes des maternelles.

Mais les syndicats ont l’impression d’être complètement ignorés par le gouvernement quand ils font part de ces préoccupations pourtant bien réelles.

Les CPE voient, non sans raison, les maternelles quatre ans comme une concurrence dont ils pourraient se passer. Le réseau des CPE reste incomplet, deux décennies après ses débuts, surtout parce que l’ancien gouvernement libéral n’y croyait pas vraiment et a privilégié le développement de garderies privées.

Mais, pour bien des parents, les CPE vont demeurer une option plus intéressante que les maternelles 4 ans. Le temps de mettre en place les réseaux, des maternelles – et sans doute après – les CPE devraient être des partenaires essentiels du gouvernement.

Complémentarité et rapprochement

En fait, CPE et maternelles sont naturellement complémentaires et le ministre devrait tout faire pour encourager les rapprochements plutôt que de les opposer et de s’occuper uniquement de son projet.

À tous ceux qui s’opposent à lui, M. Roberge appelle à l’audace en invoquant l’esprit de Paul Gérin-Lajoie et parle d’investir dans nos enfants, comme si une remise à niveau du réseau de l’éducation – qui a été très malmené au cours des dernières années de l’aveu même de la CAQ – n’était pas aussi « investir dans nos enfants ». Et comme les ressources sont nécessairement limitées, on peut craindre que les maternelles prennent le plus clair des réinvestissements promis en éducation.

Bref, si l’objectif de M. Roberge est de faire passer sa loi rapidement à l’Assemblée nationale, il ne devrait pas avoir trop d’ennuis. Mais si son but est de réussir sa réforme, il aura besoin d’amis, quoiqu’il puisse en penser maintenant.

On pourrait dire la même chose du projet de loi sur l’Immigration du ministre Simon Jolin-Barette. Depuis son dépôt, pratiquement tous les partenaires du gouvernement qui ont un intérêt dans le dossier : les associations patronales, les consultants et avocats en immigration et les groupes d’aide aux immigrants, demandent au gouvernement d’abandonner l’idée de jeter à la déchiqueteuse les 18 000 dossiers en attente dans son ministère.

En plus d’être carrément injuste pour quelque 50 000 personnes qui voulaient immigrer au Québec, pour la seule raison que ça va retarder la mise en place de sa réforme, il s’agit carrément du contraire du mantra de la CAQ, soit d’en « prendre moins, mais d’en prendre soin ».

Devant les critiques, la réponse des ministres de la CAQ est toujours la même : « Les Québécois ont voté pour nous, on a un mandat fort. » Mais les sondages indiquent déjà que le mandat fort de la CAQ était en faveur du changement bien plus que sur chacun des éléments de son programme.

Si on n’a pas cultivé d’amis pour réaliser ses réformes dans les milieux qui seront les premiers touchés, l’argument du « mandat fort » risque de ne pas avoir beaucoup d’effet.

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