Le bien-fondé d'assortir d'une clause grand-père le futur projet de loi du gouvernement sur le port de signes religieux chez certains employés de l'État, dont les enseignants, sera « un grand sujet » lors du caucus présessionnel de la Coalition avenir Québec (CAQ), admet le premier ministre François Legault.
« Je veux écouter le caucus. J’ai 75 députés, donc ça représente bien les positions, les pour, les contre. Ce n'est pas noir ou blanc », a-t-il expliqué lors d’une conférence de presse tenue mercredi avant-midi, avant le début de la rencontre. « Je vais écouter le caucus, et je vais trancher. »
Selon M. Legault, le principe du projet de loi – l’interdiction de port de signes religieux pour les employés de l’État en position de coercition (juges, policiers, procureurs, gardiens de prison) et les enseignants du primaire et du secondaire – fait consensus au sein de la CAQ.
Il reconnaît cependant que l’unanimité n’existe pas au sujet des modalités d’application du projet de loi, particulièrement en ce qui concerne l’adoption d’une clause qui protégerait les droits acquis des travailleurs actuels.
« Dans la population, il y a des arguments pour et des arguments contre », a-t-il observé.
Moi, a priori, congédier quelqu’un, ce n’est pas avec plaisir que je le ferai. Par contre, veut-on créer des espèces de clauses orphelins où il y aurait des droits différents selon la date d’entrée en fonction des personnes? Il n'y a pas de noir ou de blanc là-dedans. Ça va être sûrement un grand sujet au caucus.
« Sur ce qui concerne les droits acquis, on est ouverts à avoir une discussion. Ça fait partie des délibérations », avait préalablement déclaré le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’inclusion, Simon Jolin-Barrette, qui pilote ce projet de loi, attendu dans les prochaines semaines.
François Legault affirme qu’il veut collaborer avec les partis d’opposition, en laissant entendre qu'il serait intéressé à obtenir l'appui du Parti québécois dans ce dossier.
« Vous savez, le Parti québécois propose des droits acquis. Je l’ai dit, je veux essayer de collaborer le plus possible avec les partis opposition. Simon Jolin-Barrette va répondre à l’invitation, entre autres, de Pascal Bérubé de rencontrer les gens du PQ. C’est sûr que si on est au moins deux partis à défendre les mêmes positions, ça peut aider », a-t-il laissé tomber.
M. Legault a assoupli sa position au sujet de cette clause grand-père. « Il n'y en aura pas », avait-il déclaré à ce sujet en novembre, au lendemain de la diffusion d'un sondage CROP/Radio-Canada concluant que 65 % des répondants sont d'accord pour que Québec interdise aux enseignants de porter des signes religieux visibles.
La moitié des répondants questionnés par CROP estimait qu’il serait justifié de congédier les employés de l’État qui refuseraient de se plier à cette obligation, mais plus de quatre répondants sur dix y voyaient plutôt une sanction serait trop lourde.
En entrevue de fin d'année à Radio-Canada, M. Legault avait cependant admis qu'il était ouvert à la discussion. « Pour l’instant, il n’y a pas de droit acquis de prévu, il n’y a pas de clause grand-père. Mais ce que je dis, c’est que je suis ouvert à en discuter », avait-il dit.
Le privé subventionné exempté
M. Legault a par ailleurs défendu l’idée que les enseignants des écoles primaires et secondaires privées subventionnées en partie par le gouvernement du Québec ne seront pas visés par le projet de loi sur le port de signes religieux.
« Dans les écoles privées, il y a une contribution des parents. Certaines écoles privées, quand on regarde la petite histoire, ont été gérées par des religieuses, entre autres, ou différents groupes proches de certaines religions », a-t-il fait valoir à ce sujet.
« Ce n’est pas notre intention. À un moment donné, on peut dire : on a délimité un carré de sable, on n’a pas inclus les écoles privées. Est-ce qu’on aurait dû les inclure? C’est discutable », a-t-il expliqué.
Nous, on a fait le choix de ne pas les inclure. Pourquoi? Parce qu’à un moment donné, déjà, ce qu’on a à faire, ça va être un grand pas en avant. Vous allez voir, ça ne passera pas comme une lettre à la poste. Donc, prenons une moins grosse bouchée et assurons qu’on avale bien.
M. Legault a par ailleurs réitéré qu’il est toujours prêt à recourir à la clause dérogatoire pour suspendre les droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés si cela devait s’avérer nécessaire pour que le projet de loi s'applique tel que souhaité.
« Il y a des juristes qui prétendent que ce n’est pas nécessaire, d’autres qui prétendent que c’est nécessaire. Ce qui est clair, c’est que si c’est nécessaire, on va utiliser la clause dérogatoire. On est prêt à aller jusque-là », a déclaré le premier ministre.
Déclaration d’impôts unique : Québec veut être compensé par Ottawa
M. Legault a aussi profité de sa conférence de presse pour préciser qu’il s’attend « à avoir une compensation d’Ottawa » advenant que le gouvernement fédéral consente à ce que Revenu Québec gère les déclarations d’impôts fédérale et provinciale des Québécois, comme le souhaite l'Assemblée nationale.
Il a aussi précisé que Québec ne souhaite pas plus d’harmonisation fiscale pour autant. « On va souhaiter avec le gouvernement fédéral harmoniser le plus possible, mais on ne peut pas empêcher le gouvernement fédéral d’avoir des mesures fiscales différentes des nôtres », a-t-il convenu.
Le premier ministre a également rejeté les arguments que fait valoir le gouvernement Trudeau dans ce dossier, à savoir qu’une déclaration unique gérée par le fisc québécois entraînerait des pertes d’emplois parmi les milliers d'employés québécois de l'Agence du revenu du Canada au Québec et nuirait à la lutte contre l’évasion fiscale.
« Les obstacles que mentionnait M. Trudeau, par exemple la lutte contre les paradis fiscaux, ça se règle ça. On peut en garder une partie des employés de Revenu Canada. Et je ne peux pas croire qu’on ne peut pas trouver une autre occupation pour les employés de Revenu Canada », a-t-il commenté.
« On ne peut pas dire :"je vais protéger des emplois qui travaillent en double [sic], qui font deux fois la même chose" », a-t-il ajouté en plaidant que les employés du fisc sont tous payés en bout de piste par les contribuables.
Réforme du mode de scrutin : le projet de loi attendu pour l'automne
Au sujet de la réforme de mode de scrutin, le premier ministre Legault a maintenu que son parti prévoit déposer un projet de loi d’ici le 1er octobre prochain. La ministre de la Justice « Sonia Lebel travaille déjà sur ce dossier, et oui, on a l’intention de déposer un projet de loi », a-t-il confirmé une fois de plus.
« Je pense que c’est plus probable, avec tout le travail qu’il y a à faire, que ce soit à la session d’automne », a-t-il précisé ultérieurement. Si la CAQ arrive à s’entendre avec le PQ et Québec solidaire (QS), comme cela a été le cas pour une déclaration d’intention faite à ce sujet l’an dernier, « il sera adopté », a précisé le premier ministre.
Il a exclu que le projet de loi, qui doit vise à mettre en oeuvre un nouveau mode de scrutin proportionnel mixte pour les élections de 2022, soit assorti d’une clause permettant de revenir au système actuel en cas de problème. « Non, ça ne fait pas partie des plans. »
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