Le gouvernement Trudeau a approuvé lundi en fin de journée la construction d’un nouveau port commercial majeur sur le Saguenay, afin de permettre le développement du projet minier Arianne Phosphate. Cela aura pour effet d’augmenter le trafic maritime dans le seul parc marin du Québec.
Par voie de communiqué, la ministre fédéral de l’Environnement, Catherine McKenna, a soutenu que ce projet de 260 millions de dollars « n’est pas susceptible d’entraîner des effets environnementaux négatifs importants ».
« Ma décision est fondée sur des données scientifiques rigoureuses, l’expertise des ministères fédéraux et la consultation approfondie du public et des Premières Nations », a-t-elle ajouté, dans un communiqué publié à 17 h. Selon la ministre, les « mesures d’atténuation » prévues permettront de « réduire les risques sur le béluga de l’estuaire du Saint-Laurent ».
Le fédéral dit d’ailleurs avoir inscrit 70 « conditions » à son autorisation, et ce, afin de « protéger l’environnement, incluant les mammifères marins, le poisson et son habitat, les oiseaux, le patrimoine naturel et culturel et la santé humaine ».
Le projet, proposé par l’Administration portuaire du Saguenay, comprend la construction et l’exploitation d’un nouveau terminal portuaire « multiusagers » à Sainte-Rose-du-Nord, située à environ 45 kilomètres de la ville de Saguenay, au Québec.
En se rendant au port, mais aussi en repartant, les navires traverseront le parc marin du Saguenay — Saint-Laurent, mis en place à l’origine pour protéger le béluga, une espèce « en voie de disparition » particulièrement affectée par la pollution sonore, dont celle générée par le trafic maritime.
Examen fédéral
Ce projet portuaire majeur a été évalué uniquement par le gouvernement fédéral. Dans un rapport produit en 2015, le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) soulignait pourtant que le projet minier Arianne Phosphate devrait être autorisé seulement à la suite d’une évaluation environnementale québécoise du projet de port.
Dans une analyse produite par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC) et déposée plus tôt cette année à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale (ACEE), le MDDELCC a d’ailleurs remis en question la construction de l’imposant terminal maritime d’exportation.
Les experts du MDDELCC estiment dans cette analyse qu’il n’est pas possible de « conclure à l’acceptabilité environnementale » d’un tel terminal, qui aurait une longueur de 280 mètres sur la rive du Saguenay. Ils soulignent ainsi qu’« un empiétement supplémentaire significatif sur le fond marin, en rive ou en milieu terrestre serait occasionné par la présence d’infrastructures d’un tel équipement », mais aussi que « son implantation modifierait de façon importante et irréversible le paysage du fjord ».
Dans ce contexte, ils recommandent la construction d’une infrastructure « de moindre envergure », uniquement destinée au projet d’Arianne Phosphate.
Doutes sur la rentabilité
En annexe de ce document du MDDELCC, on trouve par ailleurs une analyse économique datée du 21 mars 2018 et qui remet sérieusement en doute la viabilité du projet minier. Le document est signé par Dick McCollough, économiste senior à la direction générale de l’évaluation environnementale et stratégique du ministère de l’Environnement du Québec.
« Malgré le ton optimiste des gestionnaires d’Arianne Phosphate et des autorités portuaires constaté dans les communiqués et les documents officiels, la situation financière de Arianne Phosphate semble précaire, sinon insoutenable à court et moyen termes, en raison principalement de l’importance des investissements requis pour l’ensemble du projet, de la faiblesse des prix [du phosphate sur les marchés], d’un marché saturé et de l’absence de partenaires financiers », souligne-t-il en conclusion de son analyse.
« Aussi, sans même prendre en compte les différents enjeux environnementaux et sociaux associés aux trois composantes du projet minier [la mine, le chemin d’accès au terminal portuaire et le terminal], le projet pris dans son ensemble ne semble pas justifiable économiquement à court ou moyen terme, sur un horizon d’au moins 10 ans », ajoute M. McCollough.
L’économiste rappelle que le contexte du marché du phosphate (l’apatite est composée de phosphate) semble pour le moins incertain pour les prochaines années. Selon les prévisions de la Banque mondiale, le prix de la tonne de phosphate, qui se situe sous les 100 $ US depuis plus de deux ans, ne devrait pas atteindre 125 $ avant au moins 2030. Or, selon les données d’Arianne Phosphate citées par l’économiste du MDDELCC, le seuil de rentabilité du projet se situerait entre 125 $ et 130 $ la tonne.
Preuve que le marché international est difficile, l’autre projet de mine d’apatite dont le gouvernement du Québec est actionnaire, Mine Arnaud, à Sept-Îles, est toujours au point mort malgré son approbation en mars 2015 et les millions injectés par Québec.
Arianne Phosphate, dont la mine à elle seule nécessiterait des investissements de plus de 1,2 milliard de dollars, ne doute toutefois pas de la rentabilité de son projet. Le gouvernement du Québec injecté jusqu’à présent 3,4 millions de dollars dans le projet.
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