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Limite de vitesse réduite: constat d'échec à Beaconsfield

Dix ans après avoir réduit de 50 à 40 km/h la vitesse dans ses rues, Beaconsfield constate qu'une infime minorité d'automobilistes respecte cette limite. Des experts en sécurité routière y voient une autre démonstration que réduire la vitesse sur les panneaux de signalisation ne suffit pas : il faudrait revoir la configuration des rues pour inciter les conducteurs à lever le pied.

10 ANS D'ÉTUDES

La Ville de Beaconsfield a annoncé en 2005 qu'elle prenait le virage du 40 km/h dans ses rues résidentielles afin de tenter de calmer la circulation sur son territoire, une opération qui s'est terminée en 2007. Elle a toutefois continué de recevoir de nombreuses plaintes de citoyens par rapport à la vitesse des voitures. Depuis 10 ans, son comité de circulation a commandé un millier d'études (1001 pour être précis) afin d'évaluer le respect des limites sur divers tronçons. Et les résultats d'une récente compilation de ces études sont sans équivoque. « On s'est aperçus, particulièrement dans les zones scolaires, que très peu de gens respectent les limites », se désole Georges Bourelle, maire de Beaconsfield.

VITESSE MOYENNE INCHANGÉE

Beaconsfield a poussé l'exercice plus loin en comparant les résultats obtenus depuis 2007 à ceux de 712 études de circulation réalisées dans les 10 années précédentes. Et surprise, la diminution de 50 km/h à 40 km/h dans les 100 km de rues résidentielles de la municipalité n'a pas entraîné de baisse de la vitesse. La vitesse moyenne est demeurée sensiblement la même : 44 km/h dans les zones de 30 km/h et 46 km/h dans les zones de 40 km/h.

CAUSE D'ACCIDENTS

La Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) voit dans ces résultats une autre démonstration de la banalisation des excès de vitesse. « Autant on a réussi à en arriver à un consensus sur la question de l'alcool au volant, pour la vitesse, on n'en est pas là », constate Gino Desrosiers, porte-parole de la SAAQ. La vitesse est pourtant l'une des principales causes des accidents mortels sur les routes du Québec, souligne la Société. La vitesse était l'un des deux principaux facteurs dans 36 % des accidents mortels, soit légèrement plus que l'alcool au volant (33 %). « Pour un piéton, 10 km/h de plus, ça peut faire la différence entre la vie et la mort », ajoute M. Desrosiers.

PAS UN CAS UNIQUE

Le cas de Beaconsfield n'est pas unique, estime le maire Bourelle. « Je n'ai pas l'impression que nous sommes les seuls, que nous sommes uniques. Quand on se rassemble entre maires, les autres aussi se plaignent de la vitesse. C'est vraiment un problème généralisé », dit l'élu. Ces résultats concordent en effet avec plusieurs autres études menées ailleurs en Amérique du Nord, confirme Marie-Soleil Cloutier, directrice du Laboratoire Piétons et espace urbain à l'Institut national de la recherche scientifique. « Seulement changer la vitesse ne réglera jamais le problème. L'idée, ce n'est pas de dire que ça ne marche pas, mais il faut mettre autre chose en place », dit la chercheuse.

CONFIGURATION DES RUES

Les spécialistes s'entendent : c'est avant tout la configuration de la rue qui dicte la vitesse de la circulation. « Les conducteurs adaptent leur conduite à l'infrastructure, et les pancartes ont un effet limité », note Marie-Soleil Cloutier. « C'est sûr que si les rues sont conçues pour rouler confortablement à 50 km/h, peu importe la limite, les gens vont avoir tendance à rouler à cette vitesse », ajoute Christian Savard, directeur général de l'organisme Vivre en ville. Ils insistent ainsi pour dire que les villes cherchant à calmer la circulation doivent profiter des travaux dans leurs rues pour en revoir l'aménagement : rétrécir la largeur de la voie, ajouter des arbres pour restreindre le champ visuel des conducteurs, ajouter des saillies de trottoir pour inciter à la prudence aux intersections. « Il faut donner l'impression que même à 30 km/h, ça va vite », illustre Mme Cloutier.

SENSIBILISER LES ADULTES PAR LES ENFANTS

À Beaconsfield, le maire Bourelle ne croit pas que la solution soit de distribuer davantage de contraventions pour inciter les automobilistes à lever le pied. « On a une bonne coopération avec le SPVM. On donne beaucoup de billets, ce n'est pas ça qui manque, mais c'est difficile de responsabiliser les gens. » La Ville a donc décidé de privilégier une autre approche en misant sur la sensibilisation. Et pour ce faire, Beaconsfield compte passer par les écoles, qui distribueront aux élèves une lettre à remettre à leurs parents afin de les inciter à ralentir. « On veut que les jeunes retournent à la maison et demandent à leurs parents de s'engager à adopter une bonne conduite. Si les écoliers deviennent plus conscients, peut-être vont-ils dire à leurs parents qu'ils roulent trop vite », espère M. Bourelle.

MISER SUR LA PRUDENCE

Le Centre d'écologie urbaine de Montréal voit d'un bon oeil la campagne lancée par Beaconsfield. « Ce qui est intéressant avec la mesure de Beaconsfield, c'est qu'on met de l'avant le principe de prudence, qu'on doit être prudent face à l'usager le plus vulnérable sur la route », dit sa directrice générale, Véronique Fournier. Cette dernière ajoute que plusieurs campagnes de sensibilisation devraient voir le jour au cours des prochains mois alors que Québec a débloqué des fonds pour soutenir ces initiatives. Beaconsfield, qui implantera au cours de l'été des appareils pour afficher la vitesse dans certaines rues, bénéficie d'ailleurs du soutien financier du Fonds de la sécurité du ministère des Transports.

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