Le dernier bois public naturel de Saint-Lambert pourrait être amputé au profit d'un promoteur qui veut y construire une tour de 12 étages. Le projet fait toutefois face à un mouvement de résistance chez les citoyens.
Le dossier est entre les mains du service de l'urbanisme de Saint-Lambert depuis quatre ans, mais ce n'est qu'en plein coeur de l'été dernier, lors d'une assemblée publique, que les citoyens ont pris connaissance des intentions de la Société de gestion Cogir et de l'administration du maire Pierre Brodeur.
« PITCH DE VENTE »
Rapidement, des citoyens ont mis en place le Comité de sauvegarde du boisé du Limousin et lancé une pétition pour préserver l'intégrité du parc qui longe la rue Victoria. « L'assemblée n'avait rien d'une consultation. On a assisté à un pitch de vente commercial », s'indigne Charles-Étienne Robert, du Comité.
Le conseiller municipal Loïc Blancquaert, qui souligne être « en politique pour la question environnementale », s'oppose également au projet. Cette position lui vaut toutefois d'avoir été expulsé à trois reprises de réunions municipales lorsque le projet de Cogir était abordé, sous le seul motif qu'il ne partage pas l'opinion du maire.
Le promoteur Cogir, qui possède déjà deux tours de résidences de personnes âgées (Les Jardins intérieurs) sur le terrain voisin du boisé du Limousin, souhaite en construire une troisième de quelque 200 logements. Son terrain est suffisamment grand derrière les deux tours existantes pour accueillir le nouvel édifice. Il a toutefois été convenu avec la Ville que la nouvelle tour s'élèvera à côté, ce qui grugerait une portion du boisé du Limousin (11 % selon Cogir, 20 % selon le maire). Du coup, cela entraînerait un échange de terrains de superficie équivalente et une compensation financière de 1 million versée à la municipalité.
DÉSINFORMATION ET MAUVAISE FOI
« C'est mal parti, ce projet-là ! », reconnaît d'emblée le maire Pierre Brodeur, qui dénonce les critiques de ses concitoyens et du journal local à l'égard du projet. « Il y a eu de la désinformation. [...] Il y a aussi de la mauvaise foi », insiste-t-il.
Sur la défensive lors de l'entretien téléphonique avec La Presse, le maire justifie le porte-à-porte qu'il a fait en faveur du projet immobilier ainsi que la distribution de dépliants sous forme d'affichettes de porte, réalisée par des fonctionnaires. Puis, il laisse tomber que le plan de communications de Saint-Lambert n'était peut-être pas à la hauteur.
Mais chose certaine, le projet de Cogir est, selon lui, avantageux pour la municipalité qui a de moins en moins d'espace pour faire du lotissement.
« Un million dans les coffres de Saint-Lambert, c'est un montant important. On n'a plus la richesse d'il y a 20 ans. »
- Pierre Brodeur, maire de Saint-Lambert
« PAS DE DÉVELOPPEMENT SAUVAGE »
Chez Cogir, on souligne que pour chaque arbre abattu, trois autres seront plantés. « On ne veut pas faire un développement sauvage », affirme le président de la Société de gestion Cogir, Frédéric Soucy. Ce dernier souligne qu'il « aimerait travailler en équipe avec la population ».
Dans l'immédiat, l'accueil est plus que froid : 338 personnes ont d'ailleurs signé le registre demandant la tenue d'un référendum sur le projet, le 9 octobre dernier. Une semaine plus tard, l'administration Brodeur retirait le changement de zonage prévu pour permettre la construction de la tour de 12 étages. Il n'y aura donc pas de référendum.
Pierre Brodeur promet maintenant de mener des consultations le printemps prochain afin de s'assurer que le projet sera accepté. Mais dans la phrase suivante, il parle plutôt de séances d'information. « C'est la même chose », affirme-t-il quand La Presse lui indique la différence. « On va prendre notre temps pour bien travailler. »
Les opposants au projet promettent également de travailler pour protéger le boisé du Limousin avec toutes les nuances qui s'imposent. « Je ne suis pas contre le fait que le promoteur construise une troisième tour, mais pas à cet endroit-là », soutient Sonni Malo, citoyenne engagée depuis 45 ans dans la vie de Saint-Lambert. Mme Malo s'insurge contre l'attitude du maire dont le discours, selon elle, est rempli de faussetés pour favoriser le projet de Cogir.
ESPACE RICHE OU ESPACE EN FRICHE
Une autre citoyenne, Édith Moranville, qui a déjà fait partie il y a 30 ans d'un regroupement ayant réussi à sauver le bois contre les lotisseurs, s'inquiète que la troisième phase projetée par Cogir puisse mener à une étape subséquente qui pourrait détruire l'entièreté du bois du Limousin.
« C'est une insulte à notre intelligence. Il faut protéger nos rares espaces verts. Ce n'est pas acceptable que le maire veuille échanger un boisé contre un fond de cour. »
- Édith Moranville
Mme Moranville fait ainsi référence à une bataille d'experts sur la valeur réelle du boisé du Limousin. La Ville s'appuie entre autres sur une analyse produite par le promoteur pour dire qu'il s'agit d'un « espace en friche, aux conditions naturelles précaires ». De son côté, le Comité de sauvegarde du boisé du Limousin estime que le terrain présente plusieurs espèces d'arbres intéressants, dont le chêne rouge et le tilleul d'Amérique.
Le dossier risque de se transporter à l'assemblée du conseil municipal la semaine prochaine.
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