Justin Trudeau n’est pas particulièrement surpris de l’engouement autour de la légalisation du cannabis depuis mercredi dernier. «L’an passé, cinq millions de Canadiens ont consommé. Les gens – et c’est tout à leur honneur – sont intéressés par ce produit sécure, qui n’envoie pas leur argent dans les poches du criminel», a dit le premier ministre du Canada dimanche soir, sur le plateau de Tout le monde en parle (TLMEP).
Invité pour une septième fois dans le studio 42 de Radio-Canada, M. Trudeau y était toutefois pour la première fois en tant que premier ministre. Questionné sur l’âge minimal fixé à 18 ans pour se procurer du pot, il a expliqué vouloir viser toutes les clientèles ciblées. Au Québec, le nouveau gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) aurait préféré un âge minimal de 21 ans.
«Je suis d’accord, c’est plus dangereux chez les jeunes. Mais c’est dommageable à 50 ans, à 90 ans. C’est une drogue, ce n’est pas recommandé. Le défi, c’est plutôt de remplacer le marché noir, et on sait que ce marché-là continue d’exister chez les étudiants notamment, des jeunes entre 18 et 21 ans qui sont des usagers du cannabis en général.» – Justin Trudeau
Pourquoi légaliser, plutôt que de seulement décriminaliser? «Parce qu’on n’aurait rien fait pour remplacer le marché noir, ni pour assurer la qualité et la non-toxicité des produits. C’est faire les choses à moitié», a répondu d’un trait l’homme de 46 ans.
Ce dernier dit préférer «être conséquent». «Créons un système de contrôle pour réglementer et mieux protéger nos jeunes, comme avec l’alcool», a-t-il renchéri, soulignant au passage avoir eu lui-même des «conservations sérieuses» avec son fils Xavier qui, à 11 ans, entrera bientôt à l’école secondaire. «Dans le passé, c’était très facile de se procurer du cannabis dès le secondaire», a avancé Justin Trudeau.
Concernant la culture à domicile – un dossier sur lequel Québec refuse de donner son feu vert pendant qu’Ottawa dit l’autoriser partout au Canada –, le premier ministre s’est fait relativement évasif. «C’est un gros changement et c’est une période d’ajustement, a-t-il dit. Ce n’est pas un processus qui va se régler en une semaine, mais on est dans la bonne direction.»
Justin Trudeau s’est vivement défendu de favoriser «des amis» libéraux bien impliqués dans l’industrie du cannabis – comme Alan Rock ou Martin Cauchon – en le légalisant. «C’est une nouvelle industrie, il y a beaucoup de gens là-dedans, et je leur souhaite bonne chance. Mais le processus a été extrêmement rigoureux et indépendant, il n’y a pas eu de favoritisme», a-t-il promis.
Environnement, culture et international
Rassurez-vous: le cannabis n’a pas été le seul sujet de discussions avec le premier ministre. L’animateur Guy A Lepage l’a notamment relancé sur les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et d’un échec fort probable de la lutte aux changements climatiques.
«On a un plan, pour la première fois, qui va atteindre des cibles de réduction concrètes. Il y a encore des gens qui pensent qu’il faut tout arrêter. Mais on ne pourrait pas continuer si tout fermait demain. Ça prend une transition intelligente, et il faut la gérer.» – Justin Trudeau
Le premier ministre a rappelé que son gouvernement poursuit toujours son objectif de réduction des gaz à effet de serre (GES) sur les sables bitumineux.
À propos de l’affaire du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi, Justin Trudeau s’est montréal ferme: «Absolument pas, a-t-il répondu, questionné à savoir si la vente d’armes était plus importante que le respect des droits humains. On va toujours défendre les droits de la personne. On est en chicane avec l’Arabie saoudite, parce qu’on a été très fermes là-dessus.» Selon lui, les clauses de contrat de vente obligent notamment l’État-acheteur à suivre certaines exigences d’utilisation des armes.
Sur le départ de Michaëlle Jean à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), remplacée par la Rwandaise Louise Mushikiwabo, Justin Trudeau s’est dit fier que l’Afrique ait enfin une représentante. «Je crois profondément en l’importance de la voix de l’Afrique», a-t-il lancé.
Le premier ministre canadien a aussi défendu sa ministre du Tourisme, Mélanie Joly, dont la crédibilité est souvent attaquée depuis l’affaire Netflix. «Elle fait une job extraordinaire. Et je suis très fier des investissements qu’on a faits […] On est en train de regarder des solutions pour entrer dans ce virage-là, ce nouvel univers-là.»
«Netflix va investir beaucoup d’argent au Canada, a-t-il argué. Plus qu’ils ne l’avaient prévu même. Ce n’est pas Netflix qui ne paie pas ses impôts, ce sont les contribuables qui ne paient pas d’impôts sur Netflix pour le moment. C’est un nouveau monde, il faut transformer notre système de consommation et d’appui pour nos artistes.»
Le premier ministre est également brièvement revenu sur les négociations entourant l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC). «Il n’est pas toujours évident, a-t-il dit en parlant du président américain Donald Trump. Il le sait, je le sais, mais on n’est pas alignés sur bien des choses. C’est difficile de trouver des points communs, mais on a réussi à le faire dans l’accord renouvelé qui sécurise notre économie pour l’avenir.»
«Je choisis d’être gentil pour les Canadiens», a-t-il lancé, questionné sur ses relations personnelles avec le magnat de l’immobilier.
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