(Québec) Il tournait autour depuis des mois, il va faire le saut : Alexandre Taillefer va épauler le Parti libéral du Québec (PLQ). L'ex-dragon, qui a construit sa fortune dans les technologies de l'information, sera président de la campagne électorale du parti de Philippe Couillard.
La fonction est plus qu'honorifique. Daniel Johnson, qui l'occupait aux élections de 2014, était présent tous les jours dans la « war room », aux réunions de stratégie du PLQ, où il traitait d'égal à égal avec le directeur de la campagne, Christian Lessard, et le chef de cabinet de Philippe Couillard, Jean-Louis Dufresne. Cette fois, ce sera Hugo Delorme, un ancien de la firme National, qui sera directeur de campagne ; à la différence de M. Taillefer, il connaît le PLQ.
Plusieurs sources libérales ont souligné à La Presse que la décision de M. Taillefer paraissait très récente - quelques jours à peine. L'homme d'affaires avait été sollicité il y a près d'un an par le PLQ, mais avait vite décliné l'offre, expliquant que ses entreprises lui demandaient trop de temps. Les choses paraissent avoir changé depuis.
Cette semaine, M. Taillefer avait publiquement fait savoir qu'il ne comptait pas se porter candidat aux prochaines élections. Il avait pourtant ajouté qu'il allait apporter sa contribution à la prochaine campagne. « Je ne resterai pas lettre morte. Je ne m'empêcherai pas d'émettre des opinions », avait-il fait savoir en marge d'une conférence de presse à l'hôtel de ville de Montréal. « Un citoyen a un devoir de défendre ce qu'il considère comme étant les enjeux fondamentaux et les valeurs profondes d'une société », a-t-il ajouté.
Il était resté évasif sur le parti qui obtiendrait son appui, mais avait exclu la Coalition avenir Québec (CAQ). Il n'a jamais caché qu'il n'était pas souverainiste. M. Taillefer n'a pas répondu à nos demandes d'entrevue.
Les gens qui le côtoient savent qu'il aspire à diriger un parti politique - idéalement celui qu'il aurait pu fonder. Conscient de l'immensité de la tâche, il a tourné son dévolu vers le Parti libéral, plus proche de ses convictions.
La décision de s'associer à la campagne de Philippe Couillard est un pari risqué pour quelqu'un qui a son plan de carrière. S'il contribue à la victoire, le poste qu'il convoite devient bloqué ; M. Couillard restera en selle pour l'avenir prévisible. Si le PLQ mord la poussière, Alexandre Taillefer se trouvera à avoir cautionné un positionnement, une plateforme rejetés par la population, une épine au pied quand on aspire à incarner le renouveau.
L'annonce de M. Taillefer devrait tomber en mai, laisse-t-on entendre. Ce serait la première bonne nouvelle depuis longtemps pour l'organisation du PLQ et pour Philippe Couillard, plutôt humilié par les développements récents.
Julie Boulet, à qui il avait consenti en janvier l'investiture de la nouvelle circonscription de Saint-Maurice-Laviolette, lui a fait faux bond. Le PLQ se retrouvera avec Pierre Giguère, député qu'avait fait évincer Mme Boulet, qui aura l'air d'un pis-aller. On souligne que Mme Boulet a préféré laisser tomber plutôt que de subir l'humiliation d'une défaite dans une région qu'elle représente depuis 17 ans. Les partisans de M. Giguère n'avaient pas rallié son organisation, et la possibilité de croiser le fer dans la région avec Sonia Lebel, qui l'avait malmenée à la commission Charbonneau, lui donnait des sueurs froides. D'autant plus que son frère Jean, avocat, se présentera pour la CAQ dans Trois-Rivières ; c'est lui qui avait préparé sa soeur ministre à sa comparution devant la commission d'enquête sur la corruption.
La CAQ fait le plein
Une autre gifle est survenue mardi quand la CAQ a pu faire savoir que Marguerite Blais, ex-ministre des Aînés, serait candidate du parti dans la circonscription de Prévost. L'organisatrice du PLQ, Josée Lévesque, s'était entretenue avec l'imprévisible politicienne, lui faisant savoir que des circonscriptions très sûres comme Nelligan et Saint-Laurent étaient désormais disponibles - le recrutement des candidats s'avère pénible pour le PLQ. Même Philippe Couillard est intervenu personnellement auprès de l'ex-animatrice de télé pour la convaincre de revenir en politique.
Mme Blais avait été élue sans interruption dans Saint-Henri-Sainte-Anne à partir de 2007. Réélue en 2014, elle était restée sur la touche quand Philippe Couillard avait formé son Conseil des ministres. Elle avait dû se contenter d'une présidence de commission. Elle est partie l'année suivante.
Mme Blais est pourtant allée, le 8 avril, à l'assemblée d'investiture de la candidate libérale dans Prévost, Naomie Goyette. « J'étais là, elle m'a dit qu'elle était une libérale ! », a raconté une autre élue qui était toujours proche de Mme Blais, Christine St-Pierre. « Je respecte son choix, mais je ne le comprends pas. La CAQ ne représente pas les valeurs que je lui connais », a ajouté Mme St-Pierre.
Mais la nouvelle recrue est une capture de choix pour François Legault : son parti a toujours moins de succès auprès des femmes, une carence que l'ex-animatrice de télé va aider à combler. Dans les sondages, à l'époque de Jean Charest, Mme Blais sortait systématiquement comme la ministre la plus populaire du gouvernement, en dépit de son influence microscopique sur les décisions.
Les sondages, encore : ils amènent des candidats à la CAQ, notamment Pierre Fitzgibbon, indépendant de fortune, retraité après son passage à Atrium Innovations. Chez François Legault, on le voit comme candidat en Estrie.
Du côté du Parti québécois (PQ) et du PLQ, on frappe moins à la porte. Eliza Gomery, fille du juge, pourrait être la candidate libérale dans Westmount. Michelle Blanc, candidate du PQ dans la circonscription de Mercier. D'ici au début de la campagne, le succès des partis dans leur recrutement dépendra notamment des sondages.
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